L’ARMÉE EUROPÉENNE : IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ OU COMMODE REPOUSSOIR ?
Par Frédéric MAURO, avocat au Barreau de Bruxelles, chercheur associé à l'IRIS, membre du Bureau d'EuroDéfense-France, spécialiste des questions de défense européenne.
IRIS - Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Note #19 - Programme Europe, Stratégie & Sécurité - Juillet 2024 - ---> Lien
La guerre d’agression déclenchée par le président de la Fédération de Russie le 22 février nous a fait prendre conscience que la paix en Europe n’était pas un « trésor acquis à tout jamais ».
Moralement et juridiquement indéfendable, elle procède de la décision aventureuse d’un seul homme et pourrait conduire à terme la Russie dans l’une de ces impasses historiques dont elle a le secret pour s’enfermer d’elle-même.
Mais surtout, cette guerre fait chavirer l’idée d’un droit international pacificateur et consacre la guerre comme le moyen naturel de régler les différends entre nations. C’est l’exact opposé de la philosophie qui a présidé à la mise en place des Nations unies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les puissances victorieuses et selon laquelle : « la guerre n'est pas un moyen judicieux de résoudre les conflits internationaux » (Dwight. D. Eisenhower).
Enfin, elle redistribue les cartes de la politique internationale. Une ligue des États illibéraux se consolide progressivement dont le ciment est le rejet de l’Occident. Ses leaders entretiennent leur peuple dans des rêves de puissance, ils leur fabriquent de faux souvenirs, entretiennent leurs vieilles plaies et les conduisent au délire des grandeurs ou à celui de la persécution. Ses membres sont bien connus. Ils ont pour leader incontestable la Chine, et regroupent autour d’elle la Russie, l’Iran et la Corée du Nord.
Une nouvelle guerre froide a donc commencé qui pourrait très bien être un avant-guerre. Mais cette guerre est bien différente de la précédente, car cette fois les colonialistes, les envahisseurs, les impérialistes et les ultraconservateurs sont du côté des ennemis de l’Occident. Elle est mondialisée et divise l’humanité au moment où les défis auxquels celle-ci est confrontée exigerait une collaboration sans faille. De grands acteurs tels l’Inde, le Brésil, l’Arabie saoudite, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, et même la Turquie, peu soucieux de venir au renfort d’un Occident auquel ils ne pardonnent ni ses fautes ni ses hypocrisies, attendent de choisir leur camp. Ce sont les Swing States géopolitiques qui peuvent faire basculer l’équilibre du monde.
Pour faire face à un ennemi commun, l'idée d'une armée européenne est bien la plus simple et la plus immédiatement compréhensible par les citoyens européens
Dans ce contexte, les États européens ne peuvent pas rester spectateurs de leur propre destin et ils l’ont désormais bien compris. Un sursaut a eu lieu et plus de tabous sont tombés depuis 2022 que depuis les trois décennies qui nous séparent de la signature du traité de Maastricht et de l’évocation, pour la première fois, d’une « défense commune ».
La Commission européenne s’est progressivement emparée des sujets de recherche de défense, puis de politique industrielle de défense. Tout cela était impensable il y a encore dix ans. Une stratégie industrielle de défense a même été élaborée, et qui demande à être concrétisée par les instances qui sortiront des élections européennes de juin 2024.
Mais construire à plusieurs un avion de chasse ou un char de combat ne fait pas une défense commune. L’idée qui s’impose tout naturellement pour faire face à un ennemi commun, la plus simple et la plus immédiatement compréhensible par l’ensemble des citoyens européens, est bien celle d’une armée européenne, c’est-à-dire une armée dirigée par les Européens pour défendre le territoire de l’Europe et ses intérêts.
Qu’on l’appelle « armée » ou « défense » ou encore « autonomie stratégique » c’est bien de la même chose qu’il s’agit : la défense de l’Europe, par l’Europe et pour l’Europe. Car il n’y a aucune raison au monde que 450 millions d’Européens qui dépensent ensemble plus de 250 milliards d’euros par an pour leur défense craignent la Russie qui ne compte que 140 millions d’individus et dépense beaucoup moins pour sa défense, même s’il s’agit là d’une partie substantielle de ses richesses. Il est évident que l’Union ne peut rester un géant économique si elle dépend d’autres puissances pour sa protection ou pire, si elle est incapable de défendre son territoire et ses intérêts.
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