Pour un Conseil stratégique de sécurité nationale
Par Michel Makinsky - Directeur général d’Ageromys International, chercheur associé à l’Institut prospective et sécurité en Europe et à l’Institut d’études de géopolitique appliquée, membre d’EuroDéfense France
© Institut d’études de géopolitique appliquée - Janvier 2024 - Lien
Pour un Conseil stratégique de sécurité nationale
SOMMAIRE
Introduction – P. 2
Un contexte de crises brûlantes – P. 3
Une myopie stratégique qui dure – P. 6
Un trou à combler d’urgence – P. 9
Pour un Conseil stratégique de sécurité nationale
Les crises qui s’amplifient dans l’environnement stratégique de la France (Gaza, conflit russo-ukrainien) confirment les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics non seulement pour les anticiper, mais aussi pour en prendre la mesure stratégique et surtout adopter à leur égard une posture cohérente. Ce phénomène n’est pas nouveau. De graves erreurs d’appréciation ont été commises dans le passé: élimination du dictateur Libyen menant à l’effondrement de son pays mais surtout à l’essor irrésistible des menées islamistes au Sahel et, in fine à la mise à l’écart de la France de plusieurs pays assistés. Pareillement l’obstination de certains dirigeants à vouloir éliminer le président syrien et faire tomber son régime (option qui a échoué) reflète un aveuglement rare. De même la constitution de l’AUKUS (alliance entre l’Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis) contrariant directement les relations de coopération de la France n’a pas donné lieu à un réexamen sérieux de ses implications. Il apparaît que l’empilement de dossiers lourds, complexes et surtout enchevêtrés, ne permet plus d’en opérer un traitement cohérent au vu de l’absence d’outil d’aide à la décision au niveau de la présidence de la République. C’est pourquoi il est urgent de doter celle-ci d’un Conseil stratégique de sécurité nationale pour aider l’exécutif à prendre des orientations appropriées. Des dispositifs de ce type ont déjà été proposés dans le passé. Méfiance et bureaucratie ont eu raison de ces tentatives, notamment celle inscrite dans le Livre Blanc de 2008. Nous ne proposons pas de copier le National Security Council américain (pourtant efficace quand il est utilisé), mais d’un Conseil stratégique utilisant les compétences existantes des administrations, des centres d’expertise et des entreprises. Le risque de dérapage des conflits actuels confirme qu’il ne faut plus tarder. Mais il en est de même pour les grands choix stratégiques en matière de défense européenne (y compris dans le domaine cyber, informationnel, spatial, maritime), de relations transatlantiques, de souveraineté énergétique, alimentaire, de relance économique sans oublier nos postures à l’égard de la Chine, du Moyen- Orient et de la zone Indo-Pacifique. A-t-on, par exemple, pris l’exacte mesure de l’énorme essor de la connectivité des corridors ferroviaires et maritimes qui se déploient de l’Asie Centrale au Caucase et qui sont destinés à rejoindre le Golfe Persique, non limités aux axes développés par les concurrents russes et chinois ?
I. Un contexte de crises brûlantes
La crise de Gaza montre combien il est difficile pour la France d’adopter une posture cohérente. Les épisodes de violence émergent par surprise, se succèdent de façon déroutante par leur simultanéité, leur symétrie et leurs conditions. Maints décideurs sont pris au dépourvu, au-delà des manœuvres de dissimulation et de ruse, par certains côtés inédits mais surtout insuffisamment anticipés du fait de l’absence d’une vision stratégique sur un champ complexe1. Si la surprise peut souvent ne pas être évitée, la connaissance des rapports de force entre acteurs du champ considéré et de leurs stratégies réciproques est à portée de main d’un pays comme le nôtre. Or elle peut faire défaut ou, quand elle existe, elle est trop souvent ignorée pour des raisons idéologiques, bureaucratiques et, dans certains cas, d’incompétence. D’où l’impression d’improvisation, de stop and go et de non-pertinence des positions prises à la hâte2. Ce n’est pas un cas isolé : d’autres sujets d’importance majeure font apparaître, de façon différente, un problème identique. Nos remarques, fruit d’échanges avec d’autres analystes depuis plusieurs années, ne sont en aucune façon un procès conjoncturel ou ad personam (sans intérêt), mais sont un constat sur lequel un certain consensus peut être dégagé. La note diffusée au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères par des diplomates en poste au Moyen-Orient alertant la hiérarchie sur l’incompréhension locale de notre position dans la crise de Gaza est un symptôme3. La France cherche à se rendre plus utile, comme le montrent la mise en œuvre du navire-hôpital Dixmude, la livraison de secours humanitaires et les récents échanges de vues de la directrice Afrique-Moyen-Orient du ministère avec le think tank saoudien Gulf Research Center (qui atteste le rôle croissant de la diplomatie du royaume dans ce dossier) sur un plan de sortie de la crise de Gaza, quel que soit le sort qui sera réservé à ce plan....
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