OTAN – UE : Deux faces d’une même pièce
Cinq années passées au sein des instances otaniennes et bruxelloises me confortent dans la perception qu’opposer OTAN et UE n’est ni pertinent ni efficace puisque l’une et l’autre poursuivent, chacune dans son champ d’action, l’objectif premier de maintenir la paix sur le continent européen (Bien sûr, pas seulement sur le continent européen, puisqu’il suffit de se rappeler le déclenchement de l’Article 5 de l’OTAN au lendemain des attentats du 11 septembre 2001).
Similaires mais aussi profondément différentes, elles attirent nombre de pays candidats depuis des décennies notamment parce qu’elles apportent cohérence, solidarité et efficacité dans les domaines d’action des diplomates et des militaires.
Similaires dans au moins trois domaines
En premier lieu, les structures de gestion de crise regroupent pour l’OTAN 30 pays (Conseil de l’Atlantique Nord – Comité Militaire OTAN) ou, pour l’UE, 27 pays (COPS [Comité Politique et de Sécurité] – CMUE [Comité Militaire de l'Union Européenne]) + la Commission Européenne sur la base « un pays – une voix » avec une règle intangible à ce jour – l’unanimité. Cette dernière impose à l’OTAN comme à l’UE des débats parfois longs mais toujours riches et utiles puisque cela conduit à convaincre et non à contraindre, gage d’une dynamique de groupe et d’un engagement dans la durée de chacune des nations. Évidemment cette unanimité est parfois longue à obtenir mais dans l’urgence stratégique, elle est d’expérience, toujours rapide.
Une similitude OTAN/UE se retrouve aussi dans certains des textes fondamentaux qui régissent ces organisations. En effet, si la guerre en Ukraine conduit nombre de commentateurs à rappeler l’importance de l’article 5 de l’Alliance Atlantique, rares sont ceux qui indiquent que l’Union européenne est dotée d’un texte tout aussi contraignant, la clause de défense mutuelle (article 42 alinéa 7 du Traité sur l’Union européenne) (Déclenché par la France au lendemain des attentats terroristes de novembre 2015 - « Au cas où en État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir. »).
La similitude OTAN/UE se retrouve enfin dans la volonté inébranlable de conférer le rôle central aux nations. Pour d’évidentes raisons d’efficacité, il n’y a ni armée de l’OTAN, ni armée de l’UE et les structures permanentes à Mons (SHAPE Commandement Stratégique des Opérations) et à Bruxelles (MPCC de l’Etat-Major de l’Union Européenne) commandent sous l’autorité des nations et la supervision des comités militaires OTAN/UE. Les rappels parfois fermes faits par les capitales ou directement les chefs d’États et de Gouvernements auprès du Secrétaire Général de l’OTAN ou de la Présidente de la Commission ou encore du Haut Représentant de l’UE sont aussi là pour le rappeler : les nations sont à la manœuvre dès qu’il s’agit des volets diplomatiques ou militaires.
Pourtant, OTAN et UE sont profondément différentes
En premier lieu, l’essence même de ces entités les oppose car imagine-t-on un instant l’OTAN recevoir le prix Nobel de la Paix ? Son caractère éminemment militaire ne la prédispose pas à une telle distinction tandis que l’Union européenne l’a reçu le 10 décembre 2012, précisément parce qu’elle est bâtie sur la volonté de réconciliation des peuples après l’enchainement de deux Guerres Mondiales dévastatrices. Il suffit pour se convaincre de s’être recueilli devant les monuments aux morts néozélandais situés à l’antipode de la France ou encore de voir le remarquable film d’Olivier Dahan « Simone : le voyage du siècle » et le message de lutte farouche pour le respect de l’autre qu’il contient (Nous sommes responsables de ce qui nous unira demain » - Simone Veil (Présidente du Parlement européen 1979 - 1982)).
Évidemment l’Union européenne doit continuer à évoluer pour être plus réactive aux crises en offrant aux décideurs politiques tant une capacité militaire européenne qu’une diplomatie européenne encore mieux respectées car plus efficaces, l’une comme l’autre.
Cela étant, voit-on l’UE se doter dans un avenir proche ou lointain, d’une structure permanente de commandement militaire – comme c’est le cas à l’OTAN – et qui est forte de près de 7.000 hommes et femmes des trois armées répartis entre sept commandement (A l’OTAN pour la planification et la conduite des opérations, il y a : SHAPE (stratégique) + Trois commandements interarmées (Brunsumm, Naples et Norfolk) + Trois commandements tactiques (Terre, Air, Mer)) ?
Non bien sûr et pourtant, c’est ce qu’il faut pour planifier, anticiper et conduire dans la durée des actions dissuasives et offensives dans le haut du spectre de la guerre tout en étant résilient dans l’épreuve. C’est la grande force du commandement militaire intégrée de l’OTAN, ne le dénigrons pas en ces temps troubles – nous ne serions ni cohérents ni audibles auprès des autres européens.
Et bien que l’ADN de l’UE ne soit pas la guerre – je puis en témoigner – n’oublions pas non plus que le besoin d’autonomie stratégique de l’UE est patent et a été révélé à l’occasion des atermoiements européens dans les années 1990 – incapables collectivement de concrétiser des volontés politiques et des modes d’action militaires tant que les États-Unis ne s’étaient pas engagés. Ce besoin s’est même trouvé renforcé récemment avec les annonces du Président Trump sur sa vision de la nature de l’engagement US et de sa pérennité (« Nous défendons l'Europe et, dans le même temps, ils nous arnaquent, ils nous arnaquent très très sérieusement » Président Donald Trump).
C’est pourquoi, dans un monde complexe et par nature incertain, il est nécessaire de disposer en propre d’une capacité militaire robuste tout en poursuivant côte-à-côte les évolutions au sein de l’OTAN et de l’Union européenne de sorte à toujours pouvoir faire face à l’imprévu dans un esprit de complémentarité et sans oublier une chose :
Dans les premières heures, voire les premiers jours, d’une agression de leur souveraineté, les nations sont toujours … très seules.
Général d'Armée aérienne (2S) Patrick de Rousiers
Représentant militaire français auprès de l’OTAN et de l’Union Européenne (2008 – 2010), Président du Comité Militaire de l’UE - Conseiller militaire de Lady Ashton puis de Mme Mogherini (2102 – 2015)
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