Lettre à Monsieur Thierry Breton
Monsieur le Commissaire,
Eurodéfense-France est un membre très actif du réseau européen EURODEFENSE, actuellement présent dans 14 Etats membres de l’Union européenne, ainsi qu’au Royaume Uni. Ce réseau a déjà présenté à la Commission européenne et au Parlement européen de nombreuses suggestions sur les moyens d’accéder à une autonomie européenne suffisante en matière de défense et sécurité.
Si l’urgence aujourd’hui réside dans la réponse que l’Union doit apporter, en appui aux Etats membres, à la crise sanitaire et à ses conséquences économiques et sociales, il me paraît important de ne pas perdre de vue cet objectif d’autonomie stratégique, d’autant que la configuration géopolitique du monde sortira, sans doute, bouleversée de la crise en cours. Au demeurant, les conséquences économiques et sociales concerneront aussi le secteur de la défense.
L’approche initiale de la Commission européenne concernant l’armement, traduite dans les directives de 2009, était purement libre-échangiste. Elle considérait les dépenses de R&D nationales comme des distorsions de concurrence, si bien que, d’une part elle encourageait de facto les achats aux Etats-Unis par les pays européens qui n’avaient pas d’objectifs ambitieux en termes d’autonomie stratégique et, d’autre part, elle pénalisait ceux qui prenaient au sérieux la nécessité de l’autonomie d’emploi de leurs équipements militaires.
C’est pourquoi nous n’avons cessé, depuis 2012, de préconiser un changement de paradigme, et avons proposé que la Commission envisage une ligne Défense dans le budget européen, pour financer ou cofinancer avec les Etats membres un effort de R&D militaire et encourager ainsi la coopération européenne dans ce domaine. Quand le principe d’une recherche d’autonomie européenne a été acté politiquement, cette action a rencontré le soutien de la Commission, notamment de la DG GROW, qui a pu convaincre le Parlement précédent d’accepter le principe du fonds européen de défense (FEDef).
Nous restons au contact de vos services sur la mise en place du FEDef, qui nécessite encore beaucoup d’attention, notamment en ce qui concerne son montant, et nous intéressons en parallèle au champ des opérations extérieures.
Cependant, la crise dramatique à laquelle nous sommes confrontés va mettre à mal la base industrielle et technologique européenne de défense (BITDE), qui constitue le socle des capacités de défense et de l’autonomie stratégique recherchée.
Le fonds européen de défense, programme centré sur la R&T et la R&D, ne produira ses effets dans le champ manufacturier et le domaine capacitaire sous forme de commandes et de livraisons que dans plusieurs années. Dans l’immédiat, la BITDE va être impactée directement par la crise, notamment les PME sur lesquelles reposent des fournitures et fonctions critiques, puis au travers elles certaines filières et chaines de valeur ajoutée dans l’UE.
C’est pourquoi je vous propose l’idée d’un plan de relance industrielle dans le secteur de la défense et de la sécurité au sein de l’UE. Ce plan pourrait s’articuler en deux phases : dans l’immédiat un plan de sauvegarde des entreprises et de leurs outils industriels et compétences les plus critiques et les plus menacés ; puis un plan de relance proprement dit à la sortie de la crise, sous forme de commandes de matériels.
Il s’agirait d’étudier les possibilités de mobiliser, tant pour le plan de sauvegarde que pour le plan de relance, différents mécanismes, y compris des dispositifs d’aides et instruments financiers, facilitant les investissements et dépenses sur le territoire de l’UE. En outre, certaines des réflexions qui avaient été menées par la Commission européenne sur la boite à outils financiers, destinée à compléter les volets recherche et développement du fonds européen de défense par un volet plus aval relatif aux phases d’industrialisation et de livraison, pourraient être utilement activées et concrétisées avec toute l’urgence nécessaire.
Dans un tel plan de relance, on ne pourra obtenir un effet à court terme qu’en commandant des matériels existants produits sur le territoire de l’Europe, ceux dont les dotations sont insuffisantes dans nos Armées et dont l’Union européenne manque pour être autonome (les Européens sont globalement sous-équipés comme le soulignent régulièrement nos Armées). L’UE pourrait acquérir certains matériels pour elle-même, par exemple pour Frontex ou à l’image de ce qui a été décidé en 2007 pour le programme Galileo, autre domaine stratégique.
Si vous considérez que cette proposition est en phase avec les idées de la Commission européenne, je prendrai contact avec vos services, puis lancerai une phase de concertation au sein du réseau EURODEFENSE pour en faire adopter le principe par l’ensemble des chapitres nationaux et leur demander d’y travailler pour être force de propositions en liaison avec leurs autorités nationales.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire, l’expression de ma considération distinguée.
Patrick Bellouard, IGA (2ème S.)
Président d’EuroDéfense-France.
Lettre adressée à la Commission européenne
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